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Dimanche 17 novembre, de 10 h à 11 h 15, à la salle Notre Dame de Ste Bernadette,Nous avons reçu Christine DEVAILLY, conférencière à l’institut théologique d’Auvergne. |
Éléments de synthèse extraits du CAHIER DE SYNTHÈSE SOUVIGNY n° 6 :
L’espérance serait ce qu’il y a de plus précieux en nous : ce qui est là sans être encore là, ce qui en nous pousse plus loin que nous même, ce qui nous ouvre l’horizon. Pour parler de l’espérance il faut éviter l’écueil de l’illusion de l’imagination …qui consiste à faire l’économie de l’attente, … n’attendant plus rien d’autre qu’un geste de notre volonté. Illusion d’ « une espérance qui n’espère pas » parce qu’elle possède déjà ce qu’elle croit espérer.
Il faut aussi éviter d’être dans l’incrédulité … « l’espérance n’est pas pour nous… on se débrouillera tout seuls ».
Nous allons chercher dans l’Ancien Testament, ce que la Bible nous apprend de l’espérance. L’Ancien Testament, qui retrace l’espérance du peuple juif, ne nous fait pas imaginer une espérance qui nous protégerait de toute souffrance, qui nous mettrait à l’abri de l’existence réelle. Il nous met dans la capacité de fonder l’espérance et d’argumenter en sa faveur.
Je voudrais montrer que l’espérance vient se nicher dans l’incertitude et la fragilité mêmes de notre existence. Elle est là pour accomplir et réaliser notre existence. Espérer, ce n’est pas se projeter dans l’avenir, calculer ou prévoir, mais c’est laisser le présent surgir là où il n’y en a plus. L’espérance ouvre l’horizon, elle est ce qui nous permet d’agir ici et maintenant.
Il n’y a pas d’espérance sans parole, même si cette espérance passe par un geste, une attention, un regard, une attention. Espérer, c’est retrouver la parole en soi, en l’autre, c’est donner la parole aux autres, c’est écouter et recevoir la Parole de Dieu.
La Bible sait le désespoir de l’homme. La Bible relate l’absurdité, la monotonie, l’absence de perspective et de sommet à gravir ressenties par les hommes. Les Psaumes sont remplis de ces cris de souffrance, devant la détresse, le mal, l’injustice, l’exclusion, l’abandon, la trahison. Cette expérience constitue les premières lignes de Ecclésiaste : Tous les mots sont usés, on ne peut plus les dire. () Le désespoir, c’est l’expérience d’une parole vide, non pas silencieuse, mais vidée de son contenu. C’est l’expérience d’un abandon : l’homme est abandonné par le sens, les mots, la vie.
Quand l’espérais le bonheur, c’est le malheur qui survint. Je m’attendais à la lumière… l’ombre est venue (Job 30). Le désespoir est toujours vécu comme un exil intérieur. Nous devenons comme étrangers à nous-mêmes. Pour survivre au désespoir, il faut fabriquer de l’inédit, et pour cela accepter notre fragilité et non plus la fuir. Accepter de ne pas tout maitriser, de ne pas maitriser notre vie. Être infidèle à la logique du pire. Car il n’y a pas d’espérance possible sans rupture avec l’autosuffisance de soi. Reconnaitre qu’il y a un place pour autre chose que ce qui nous détruit. Espérer, c’est ouvrir en soi-même cette place pour autre chose, pour quelqu’un d’autre.
L’espérance est toujours un mystère. Elle repose sur la confiance en ce qui n’est pas encore. Il faut tendre l’oreille, se tourner vers elle dans un mouvement de conversion pour l’entendre et l’écouter , dans un bruit de fin silence. (1 Roi 19)
Mais l’espérance retourne le pire en espoir, la mort en vie. Elle ouvre le temps et l’espace de l’homme au Royaume de Dieu. Elle ne vise pas un autre monde, mais une autre configuration du monde, un autre rapport au monde. Le temps est écourté (parce que dans le Christ ressuscité le monde à venir est déjà présent). Désormais que ceux qui pleurent soient comme s’ils ne pleuraient pas, ceux qui se réjouissent comme s’ils ne se réjouissais pas, … ceux qui tirent profit de ce monde comme s’ils n’en profitaient pas vraiment, car la figure de ce monde passe (1 Corinthiens 7).
Espérer c’est être au plus près de la création. Frédéric Boyer aurait aimé traduire le premier verset de la Genèse, Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre par Pour espérance, Dieu a fait le ciel et la terre. L’espérance permet au commencement de commencer. Elle donne à toute vie un au-delà d’elle-même, la possibilité de s’orienter et de se réorienter. Job retrouve l’espérance après que Dieu lui ait demandé (Job 38,4) : Où étais-tu quand j’ai fondé le monde ? Sais-tu seulement où se cache l’aurore ? Job répond la main sur la bouche. Cette main sur la bouche interroge le don de la parole qui peine à voir le jour. Job pourra-t-il répondre à Dieu qui le convoque à une nouvelle naissance ?
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