Et qui est l’autre ?
La pandémie du Covid-19 bouleverse quelque peu nos relations. En effet, lorsqu’on sort de chez soi pour faire ses courses, le constat est que les gens se regardent, se saluent à peine (sans se serrer la main, évidemment, comme c’est recommandé!) et donc, la méfiance reste palpable.
La condition humaine
Dans ces conditions, des questions traversent nos esprits : d’où vient cette maladie ? Qu’est-ce qui a dû se passer ? Qui sommes-nous en définitive ?
Nous expérimentons ainsi notre finitude. Le fait que les personnes de tout âge succombent à la pandémie prouve bien que l’homme est un être fragile. Comment alors ne pas penser au mercredi des cendres ?
Est-ce que l’autre n’est que porteur de virus ?
Des sépultures sans cérémonies publiques, des messages mettant en garde certains soignants de la part de certaines personnes craignant pour leur santé posent, en dépit du bien-fondé des recommandations, des questions sur l’altérité. Dans ces conditions, on voit bien que l’être humain, à cause de la maladie, court le risque d’être éjecté du cercle des humains, un peu comme le lépreux au temps de Jésus. Justement, cette image nous fait voir combien le jugement des hommes est parfois sans appel, alors que Dieu, en Jésus Christ est plein de miséricorde. Aujourd’hui nous comprenons un peu mieux quel bonheur Jésus a pu offrir au lépreux, en le guérissant de sa lèpre : il l’a réintégré dans la communauté des humains (Lc 17 ; Mtt 8, 1-4 ; Lc 5, 12-16).
L’autre n’est pas que porteur de maladie
Ces jours-ci, un peu partout la solidarité est en marche. Pour lutter efficacement contre cette pandémie, nous sommes appelés à œuvrer ensemble puisque la crise sanitaire impacte sur d’autres secteurs de la vie.
Le pôle solidarité paroissial a lancé un vibrant appel pour qu’on n’oublie pas des personnes en difficulté vivant dans notre paroisse. Cette initiative et tant d’autres très encourageantes montrent que l’autre est aussi celui qui m’aime et qui m’aide. On peut également penser à ceux qui font des courses pour les autres, ceux qui appellent ou encore ceux qui prennent le téléphone pour recevoir un coup de fil d’une personne qui a envie d’échanger, et même nous qui restons à la maison. L’autre, c’est aussi ce soignant qui risque tout pour donner la vie aux patients : « il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime» (Jn 15, 13).
Ce temps nous met tous dans la même condition si bien que nous avons tous envie de communiquer, d’échanger. L’autre est alors celui qui me soulage. Un de mes professeurs disait que dans le credo, on aurait pu ajouter : « je crois en l’homme »…
Au-delà de tout, il y a un grand autre (Dieu) dont le philosophe C. Geffré disait qu’il « ne peut être trouvé et nommé que sous le signe de la gratuité. »[1] Je puis donc affirmer que les actions posées aujourd’hui pour aider le prochain (solidarité et même le fait d’éviter de contaminer l’autre) rejoignent l’identité même de ce Dieu qui se donne à l’homme.
Conclusion
Que dire alors de l’homme comme « bouc émissaire » ?
La distanciation et le confinement recommandés par les autorités comptent parmi les mesures efficaces dans la lutte contre le Covid-19. Leur respect n’enlève en rien la dignité rendue à l’homme que nous avons appelé « l’autre », et même la place accordée à Dieu en ce temps particulier.
[1] Geffré Claude, L’approche de Dieu par l’homme d’aujourd’hui. In: Revue des Sciences Religieuses, tome 68, fascicule 4, 1994. pp. 489-508.