En ce dimanche, nous sommes invités par notre évêque à entendre un texte d’il y a 80 ans, qui nous rappelle l’urgence de la fraternité. Mgr Percerou, en nous transmettant un texte de Mgr Saliège évêque de Toulouse lors de la 2ème guerre mondiale croit « essentiel de faire oeuvre de mémoire et, en ces temps pour le moins troublés que notre pays traverse, je crois -dit-il- également essentiel de rappeler l’engagement de l’Eglise pour le respect de la vie et l’accueil inconditionnel de toute personne humaine quelle qu’elle soit. »
Introduction de Mgr Percerou
« Mgr Eric de Moulin-Beaufort, président de la Conférence des Evêques de France, avait proposé que soit lue le 15 août, dans toutes les églises de France, la lettre pastorale de Mgr Saliège sur la personne humaine dont nous célébrons cette année le 80ème anniversaire. …Suite à des rapports sur des convois de Juifs, transmis par des chrétiens, le dimanche 23 août 1942, monseigneur Saliège, archevêque de Toulouse, fait lire dans les églises du diocèse une lettre de protestation…Cette lettre pastorale a un grand retentissement dans l’opinion…C’est la première prise de position publique en faveur des Juifs. Elle dénonce des aspects jusque-là cachés ou ignorés de la politique de Vichy, ceux de l’exclusion et de l’antisémitisme d’Etat… » Mgr de Moulin-Beaufort justifiait ainsi sa demande : « Dans une telle parole et de tels actes vibre la sainteté ordinaire qui se consume au jour le jour dans le don de soi et se tient prête à se donner tout d’un coup lorsqu’il le faut ; la sainteté ordinaire et extraordinaire qui sait se faire hospitalité lorsqu’il le faut. Il me faut le dire encore : l’âme du cardinal Saliège était indemne de tout antisémitisme et il y a encore trop d’antisémitisme, caché ou non, dans notre pays ; le Christ de l’abjection, il pourrait être aussi dans des personnes âgées qui sentiraient peser sur elles l’attente de l’euthanasie, si celle‐ci venait à être légalisée dans notre pays ; le Christ de l’abjection, il est assurément déjà dans les migrants clandestins ou non que État et notre société peinent à accueillir en les considérant comme des frères ou des sœurs à respecter…. Notre pays ne se définit pas par la nostalgie de ses grandeurs passées, il ne se grandit pas en prétendant s’entourer de murs, il ne se grandirait pas non plus s’il en venait à renoncer à accompagner les êtres humains jusqu’au bout de leur vie en les entourant de fraternité au profit d’une mort prétendument douce. Notre pays est vivant lorsqu’il porte au milieu des nations la voix du respect de toute personne humaine et de l’espoir de pouvoir nouer une alliance avec elle. Il est vivant dans les personnes qui s’y lèvent pour y vivre de ce respect et de cet espoir. »
Lettre de Mgr l’Archevêque de Toulouse sur la personne humaine
Mes très chers Frères, Il y a une morale chrétienne, il y a une morale humaine qui impose des devoirs et reconnaît des droits. Ces devoirs et ces droits, tiennent à la nature de l’homme. Ils viennent de Dieu. On peut les violer. Il n’est au pouvoir d’aucun mortel de les supprimer.
Que des enfants, des femmes, des hommes, des pères et des mères soient traités comme un vil troupeau, que les membres d’une même famille soient séparés les uns des autres et embarqués pour une destination inconnue, il était réservé à notre temps de voir ce triste spectacle.
Pourquoi le droit d’asile dans nos églises n’existe-t-il plus ?
Pourquoi sommes-nous des vaincus ?
Seigneur ayez pitié de nous. Notre-Dame, priez pour la France.
Dans notre diocèse, des scènes d’épouvante ont eu lieu dans les camps de Noé et de Récébédou. Les Juifs sont des hommes, les Juives sont des femmes. Les étrangers sont des hommes, les étrangères sont des femmes. Tout n’est pas permis contre eux, contre ces hommes, contre ces femmes, contre ces pères et mères de famille. Ils font partie du genre humain. Ils sont nos Frères comme tant d’autres. Un chrétien ne peut l’oublier.
France, patrie bien-aimée, France qui porte dans la conscience de tous tes enfants la tradition du respect de la personne humaine, France chevaleresque et généreuse, je n’en doute pas, tu n’es pas responsable de ces horreurs.
Recevez mes chers Frères, l’assurance de mon respectueux dévouement.
Jules-Géraud Saliège Archevêque de Toulouse, le 23 août 1942