Homélie du dimanche de la santé à Sautron

Bien chers frères et sœurs, rassemblés en ce dimanche de la santé, que la paix, et la grâce du Dieu d’Amour habitent vos cœurs.
Ce dimanche de la santé nous rappelle que la fragilité, la vieillesse, la maladie, font partie de nos existences humaines et que l’on ne peut pas les vivre seuls. Ces fragilités ont toujours été la force et la richesse de l’Eglise. L’Eglise a toujours gardé une place de choix pour les malades, les personnes fragiles, les soignants, les aidants et les accompagnants. Ce dimanche vient nous rappeler cette réalité. A ce sujet, je vous laisse entendre un témoignage d’accompagnement par un aidant, Jeanne :

En ce dimanche de la santé, on m’a demandé de témoigner de ce qu’a été ma vie d’aidante auprès de Loïc, mon mari. Une vie bouleversée durant 3 mois, depuis l’annonce brutale, en octobre, d’un cancer déjà très avancé, jusqu’à sa mort il y a 2 semaines.
Dès le début, se sachant condamné, Loïc a donné le ton : ce sera l’hôpital à domicile, pas d’acharnement thérapeutique, on prépare la vie future de la famille. Pas de faux-semblant. Nous étions d’accord et parlions de la mort ouvertement. Nous avons toujours pensé que notre vie terrestre n’était qu’un pèlerinage vers la vie éternelle, que la mort est un passage et fait partie de la vie. Tant que c’était possible, nous avons repris la prière conjugale du matin et disions consciemment « Que ta volonté soit faite ». Les premiers temps, il suivait la messe dominicale à la TV et je lui apportais la communion. Quand il s’est senti prêt et encore capable, il a accepté de s’entretenir avec le père Michel, de se confesser et de recevoir le sacrement des malades. C’était un temps fort.

Moralement, son étonnante lucidité nous a beaucoup aidés. Mais concrètement, la vie quotidienne a été éprouvante pour moi l’accompagnante comme pour lui et en continuelle évolution. L’appétit diminuait de jour en jour, ses goûts changeaient sans cesse, l’inconfort de son corps fragilisé et amaigri s’accentuait, il fallait continuellement s’adapter, jours et nuits, l’aider à la toilette et à l’habillage. Lui-même disait que c’était dur et long de mourir, il a appris à lâcher prise. Il devenait de plus en plus dépendant jusqu’à ne plus pouvoir se lever. Il a fallu transformer notre chambre pour y accueillir un lit médicalisé et tout le matériel autour. C’était très triste de voir mon homme si corpulent et fort de caractère diminuer ainsi, devenir comme un petit oiseau rachitique tombé du nid… Nous sommes finalement très fragiles…

A travers ces épreuves, j’ai compris que le Seigneur m’appelait à plus d’amour : me donner d’avantage, montrer plus de patience, d’écoute, de compassion, de douceur, de tendresse. Dieu ne m’a pas épargnée mais il m’a donné la force de me dépasser, y compris de faire les injections d’insuline que je m’étais promis de ne jamais faire ! Et j’ai pu être témoin de l’infini dévouement du personnel soignant qui défilait à la maison, toujours attentif et délicat. J’ai découvert et admiré tout un univers bienveillant et courageux, une véritable vocation au service des malades.

Cette fin de vie était un choix difficile mais ô combien gratifiant ! Et si j’ai tenu jusqu’au bout, c’est grâce aux nombreux amis et membres de la famille qui m’ont entourée, soutenue, chacun à sa manière. Ils m’ont fait des courses, ont gardé Loïc pour que je puisse sortir, m’ont apporté des plats cuisinés, m’ont relayée la nuit auprès de lui pour que je puisse dormir, m’ont fait des cadeaux, sont venus prier à son chevet… De bons exemples pour moi… Je ne peux pas compter toutes les prières, les chapelets, les neuvaines, les messes qui ont été dites pour nous dans plusieurs coins de France, à l’étranger et même au Vatican… Je savais que l’Eglise était une grande famille, mais là je l’ai vue à l’œuvre et je reste impressionnée.

Loïc est mort en paix, il s’est éteint comme la flamme d’une bougie. Merci à vous, paroissiens de Sautron, qui êtes venus aux obsèques et m’ont aidée pour l’organisation de cette journée, je me suis sentie portée, sereine, ma famille aussi. Et maintenant que je dois faire face à de multiples difficultés matérielles que Loïc gérait si bien, les propositions d’aide continuent, merci Seigneur !

Merci pour ce témoignage qui nous donne un écho du prendre soin. Jésus, par le « Moi je vous dis » dans l’évangile, s’engage dans nos vies non pour supprimer la souffrance, mais pour l’habiter et porter avec nous nos croix quotidiennes souvent trop lourdes. La loi nouvelle qu’apporte Jésus nous ouvre à une vie d’Amour.

Les membres de la pastorale Santé proches du monde de la souffrance savent que l’Amour est chemin de vie. Accueillons dans le sermon sur la montagne, entendu aujourd’hui, l’énergie qui nous ouvre au souffle de l’Esprit. Que cette journée de la santé nous rende plus attentifs aux personnes atteintes par diverses formes de fragilités et à ceux qui, au quotidien, se dévouent à leur service. Amen.

Père Jean-Marie Ouedraogo

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