Homélie du 3ème dimanche de Pâques

Cléophas et son compagnon sur le chemin d’Emmaüs sont bien des hommes comme nous, avec leurs questions et leurs doutes. Ils ont beaucoup de mal à comprendre ce qui s’est passé ces trois derniers jours… ce qui est arrivé à Jésus. Ils avaient cru en lui, mais avec sa mort sur la croix, leur rêve est brisé. Tout cela tourne en boucle dans leur tête. Dans ce fatras de souvenirs qui s’entrechoquent et s’a cumulent, rien ne prend sens. Il y a de la déception et de la désespérance dans leur échange. Ils ont le cœur triste.

Nous aussi, il nous arrive de connaître des périodes de désolation et de tristesse. On est submergés par ce qui nous arrive. Rien ne semble pouvoir donner sens à ce que l’on vit et encore moins donner un espoir. L’horizon est bouché.

Entre le début et la fin de cet évangile, les deux compagnons d’Emmaüs vivent un retournement complet. Au début de leur marche, « leurs yeux étaient aveuglés, » après leur échange avec Jésus, « Leurs yeux s’ouvrirent ». L’enfermement va faire place à l’ouverture et à la joie communicative. Que s’est-il donc passé ?

De fait, quand un inconnu les rejoint sur la route, le moral est à zéro ; ils n’ont pas la tête des bons jours. Cependant, ils font une place à cet inconnu et acceptent d’être questionnés par lui : « De quoi causiez-vous donc en marchant ? » Alors, ils s’arrêtent. Cette pause et l’écoute de celui qui les aident à prendre du recul. Au lieu de ressasser et de tourner en rond, ils adressent leur parole à quelqu’un… Ils précisent leur pensée, parlent de Jésus comme « d’un prophète puissant en œuvres et en paroles, devant Dieu et le
peuple » et disent leur espoir profond que « c’était lui qui allait délivrer Israël »… Et puis il y a ces femmes qui sont « allées de bonne heure au tombeau, et n’ayant pas trouvé son corps, elles sont venues dire qu’elles ont eu une vision d’anges qui disent qu’il est vivant ». Ces évènements pour eux sont importants, mais, pour l’instant, rien de tout cela ne trouve place dans leur histoire. Pour eux cela ne fait pas encore sens » (E. Grieu), ça n’éclaire pas encore leur vie… Que leur manque-t-il donc pour que leurs yeux
s’ouvrent, pour que leur cœur s’anime, pour que leur vie reprenne sens ?

Jésus se rend bien compte de leur état : « Vous n’avez donc pas compris ! comme votre cœur est lent à croire tout ce qu’ont dit les prophètes ! Ne fallait-il pas que le Messie souffrît tout cela pour entrer dans sa Gloire » ? Et l’Evangile nous dit, qu’en partant de Moïse, il leur « expliqua, dans toute l’Ecriture, ce qui le concernait ». Jésus les a longuement écoutés, maintenant il leur explique le sens des derniers évènements qu’ils ont vécus. Jésus n’a rien de plus à ajouter aux faits que les deux disciples lui ont décrits, mais il leur propose une autre vision des évènements, qui apparaît dans la lecture de l’Ecriture que leur fait Jésus. Leurs yeux se sont ouverts parce que Jésus leur a expliqué les écritures. C’est une démarche qui devrait nous être familière : savoir confronter notre vécu à la lumière de l’Evangile pour lui donner tout son sens.

C’est cette démarche que l’on appelle dans diverses traditions spirituelles ; « relecture » ou dans les mouvements d’action catholique « révision de vie ». Jésus nous donne ici l’exemple même de la révision de vie. Le vécu des disciples d’Emmaüs, confronté à l’Ecriture s’éclaire de façon nouvelle : la passion du Christ n’est plus un échec, un point final mais le passage obligé vers la résurrection. « Ne fallait-il pas que le Christ souffrît cela pour entrer dans sa gloire ? » La passion était nécessaire pour nous sauver. Jésus avait prévenu ses disciples : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime. »

Alors le cœur triste des compagnons d’Emmaüs se réchauffe progressivement pendant que Jésus leur parle.

Mais ils n’en sont pas encore à reconnaître que cet inconnu qui fait route avec eux, c’est Jésus. Le soir tombant, Jésus répond à leur invitation, rentre chez eux pour partager le repas. Au cours du repas, Jésus  prit le pain, le rompit et le leur donna ». L’invité devient le célébrant de la première Eucharistie après la résurrection. Alors leurs yeux s’ouvrirent, ils le reconnurent… Tout s’éclaire ; les évènements des trois derniers jours prennent sens. Leur vie reprend des couleurs, leurs désirs sont comblés et ils reviennent à Jérusalem partager leur joie avec les Apôtres qui leur disent « : « C’est vrai ! Le Seigneur est ressuscité : il est apparu à Simon Pierre. » A leur tour ils racontaient ce qui s’était passé sur la route et comment ils l’avaient reconnu à la fraction du pain. »

A travers les évènements de la passion et de la mort de Jésus, puis de cette marche où Jésus se fait compagnon de route ; les disciples d’Emmaüs sont passés par bien des émotions et des états d’âme pour aboutir à un sentiment de joie et de plénitude quand ils l’ont reconnu à la fraction du pain. Trois étapes ont été nécessaires pour effectuer cette conversion : l’accueil de l’inconnu sur la route, la confrontation avec la parole des prophètes, et la fraction du pain lors du partage du repas.

C’est bien ces trois dimensions que nous avons à vivre dans la suite des jours et, en particulier, dans ce moment privilégié de la messe dominicale : nous venons à la messe rencontrer le Seigneur, personnellement et en peuple de Dieu ; mais c’est bien Jésus qui nous accueille, nous rassemble et nous retrouve sur nos chemins d’humanité. Ensuite, nous écoutons et approfondissons les écritures; c’est le temps de la liturgie de la Parole.

Puis nous partageons le pain rompu pour la vie des hommes, c’est le temps de la liturgie eucharistique … Et notre messe se termine par l’envoi. C’est le temps de la mission.

Comme les disciples d’Emmaüs partons annoncer la bonne nouvelle dans notre vie quotidienne. Frères et sœurs rayonnons du Christ ressuscité ! Amen.

Yves Michonneau, Diacre

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